Sans état d’âme : soutenir le vote de barrage

La peste et le choléra : combattre un motif malhonnête

Parce que depuis des années bien des choses chez LFI me heurtent, mais que 1/ face à la menace fasciste je n’ai aucun état d’âme, que 2/ état d’âme ou non, l’honnêteté est la première des vertus intellectuelles, et que 3/ je pense utile de résister aux manichéismes (il y a eu ces dernières années des acquis positifs tant dans le pouvoir macroniste que dans l’activité politique de LFI), je m’adresse à mes amis socio-démocrates qu’une pudeur (au sens le plus fort) ferait hésiter : au premier et/ou second tour, il faut voter à gauche. Article après article, essai de déconstruction à venir de plusieurs arguments qui, alimentant le motif faux de la peste et du choléra, ne résistent pas à l’examen.

  • « Je ne peux pas voter pour le NFP parce que LFI promeut à haut niveau le culte du chef. » Relativement intenable.
  • « Je ne peux pas voter pour le NFP parce que LFI n’est pas fiable (la parole de ses représentants n’est pas fiable). » Relativement intenable.
  • « Je ne peux pas voter pour le NFP parce que LFI est antisémite. » Relativement intenable.
  • « Je ne peux pas voter pour le NFP parce que LFI est populiste. » Relativement intenable.
  • « Je ne peux pas voter pour le NFP parce que LFI cultive l’anti-parlementarisme. » Relativement intenable.
  • « Je ne peux pas voter pour le NFP parce que LFI cultive des positions nauséabondes en matière de relations internationales. » Relativement intenable (mais quand même plus tenable).

« Relativement » va de soi : un vote étant contraint par l’offre (on ne choisit que parmi ce qu’on nous propose), il ne peut découler que d’un raisonnement relatif, rigoureux mais pragmatique.

Situation

Front républicain

Je suis d’autant plus à l’aise qu’en 2017, j’ai appelé mes amis et proches de la gauche radicale ou révolutionnaire qui hésitaient à voter Macron au second tour à le faire. Et qu’en dépit du fait que la situation actuelle résulte en grande partie des erreurs ou fautes du mouvement politique encore au pouvoir (Renaissance), erreurs ou fautes qui ont contribué à affaiblir ou abimer la République, je n’hésiterais pas à le refaire s’il le fallait. Et je le fais derechef : cet été 2024, si un second tour oppose un élu de la droite classique pro-business (Renaissance) à un candidat de l’extrême-droite post-pétainiste (le FN), toute personne se revendiquant du patriotisme, de l’humanisme ou du républicanisme ou tout simplement de l’histoire de France doit, sans hésiter, voter Renaissance.

Limite de mon propos

Je n’évoquerai à aucun moment ni les raisons positives de voter pour le NFP, ni la diversité de ses composantes. D’autres sont plus compétents que moi. Mon seul sujet est celui-ci : la présence de LFI dans l’alliance ne doit pas la discréditer aux yeux des amis qui se reconnaitraient dans les arguments relativement faux cités plus hauts.

Limite du vote

Je suis d’autant plus à l’aise que j’investis le vote à sa juste mesure. S’il est collectivement le rituel (et donc le mécanisme institutionnel) majeur de la république, il n’est individuellement qu’un acte fortement contraint par le choix qui est proposé – voter blanc ou ne pas voter n’étant qu’un des choix pré-renseignés par le dispositif, qui consiste exclusivement à choisir d’approuver à parts égales l’ensemble des propositions qui nous sont faites (ce à quoi nos intentions ou péroraisons justificatrices ne peuvent rien faire). Collectivement, c’est immense. Individuellement, c’est moins que s’engager. Et une conséquence logique de tout ceci est qu’il faudra sans doute, passé le vote, s’engager.

Courtoisie

En plusieurs lieux de l’argumentation, il m’est apparu, comme en passant, que LFI et Renaissance présentaient des points communs. J’aimerais que mes amis militants (d’un bord et de l’autre) n’en prennent nul ombrage. Et si ombrage ils devaient prendre, qu’ils n’oublient pas la mesure dans le discours. Bien que lisibles par tous, ces messages d’opinion (je n’énonce pas une vérité, j’exprime une opinion raisonnée) s’adressent prioritairement à mes amis humanistes, au moins un peu politisés ou concernés par l’état de la société, à qui l’histoire de France fait quelque chose, et qui pour mille raisons entendables (mais à mon avis fausses) risqueraient de tomber dans le piège rhétorique, paralysant et dépolitisant du motif de la peste et du choléra.

Rhétorique de la paralysie

« The devil and the deep blue sea », la « rage et la peste », « Charybde et Sylla »… les expressions imagées du dilemme négatif sont nombreuses et leur histoire lexicale incertaine. Ce dilemme impossible de l’introuvable moindre mal appartient à la catégorie des arguments que le nouveau rhétoricien belge Perelman (dont le Traité d’argumentation reste utilement à portée de main de l’honnête homme ou du citoyen) nomme « quasi logique », car ils empruntent superficiellement l’apparence du raisonnement formel. Son efficacité psychologique sur l’auditoire est très forte : inquisitorial, il nous met en demeure de ne pas nous compromettre… et nous sort de l’histoire.

Laisser un commentaire